Le Corbusier, Tapisseries Muralnomad
Zodiac, Milan, n. 7, déc, 1960.
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Original (Français)
Je fus enchanté, un jour, d'avoir à aborder le problème de la Tapisserie. Mes recherches picturales « Verres et bouteilles » de 1918 à 1928, forment un premier cycle de dix années d'une discipline de fer: recherche d'une expression plastique liée à l'esprit de l'époque. J'avais été architecte avant 1914. Aussi ces recherches ouvrirent elles la porte à l'architecture qui y trouve une expression nouvelle: esthétique et plastique. Témoins: la villa La Roche, la maison Cook, la villa de Garches, etc...
Vers 1935, Marie Cuttoli s'était adressée à de grands artistes pour établir des cartons de tapisseries (petites) dont la réalisation à Aubusson marqua le réveil de cette industrie presque abandonnée. C'est alors qu'elle me commanda ma première tapisserie.
En 1948, Pierre Baudouin, ancien professeur de dessin à Aubusson, me demandait de peindre des cartons de tapisserie, lui; de son côté, au milieu de l'adversité et de difficultés sans nombre, il réussit à animer des lissier à Aubusson.
Dès ce moment, ce fut une décision de principe: la tapisserie ne doit jamais servir de dessus de commode où de buffet de service, ni en dimension, ni en situation. Elle n'est pas un tableau, grand ou petit. La tapisserie doit s'offrir à l'oeil à hauteur d'homme. Elle peut (et doit peut-être) toucher au sol. Sa hauteur est donc déterminante: 220 cm ou 290, ou 360 (dimensions du Modulor, diminuées de 5 à 6 cm, 226-296-366 etc.). Ainsi entreront elles comme un élément utile dans la composition de l'architecture moderne et non comme un décor.
La destinée de la tapisserie d'aujourd'hui apparait: elle devient le « Mural » des temps modernes. Nous sommes devenus des « nomades » habitant des appartements dans des maison qui seront équipées de services communs; nous changerons d'appartements selon l'évolution de nos familles: accroissements successifs ou diminution; nous changerons de condition parfois, de quartier aussi, etc... L'intérêt pour les Arts est devenu un événement très répandu, nouveau (les livres, les estampes, les photographies, les appareils de projection lumineuses etc...). Nous ne pouvons pas faire peindre un mural sur les murs de notre appartement. Par contre, ce mur de laine qu'est la tapisserie peut se decrocher du mur, se rouler, se prendre sous le bras à volonté, aller s'accrocher ailleurs. C'est ainsi que j'ai baptisé mes tapisseries « Muralnomad ».
La tapisseries à domicile répond à un légitime désir poétique. Par sa texture, sa matière, par la sensibilité de sa confection, la tapisserie introduit un véritable rayonnement dans l'appartement: couleurs, lignes et, à l'occasion, évocation.
Tout les possibilités de l'art pictural lui sont accessibles; elle peut prendre un rang éminent dans la vie présente et, par là, recevoir un élan considérable.
En outre, le mur de laine peut, dans certains cas, remplir une mission acoustique capitale. Au Cachemire, j'ai fait tisser 650 m2, destinés aux salles de tribunal du Palais de Justice de Chandigarh aux Indes. Belle occasion d'accorder l'architecte du béton armé (matériau sonore) à l'artisan de la laine (substance absorbante des sons).
A Tokyo, Sakakura, un ancien architecte de l'Atelier 35 rue de Sèvres, a installé dans la grande salle de son nouveau théâtre, une tapisserie de 210 m2 dont il m'avait demandé le carton.
C'est dans la pratique des arts plastiques (phénomène de création pure) que j'ai trouvé la sève intellectuelle de mon urbanisme et de mon architecture. Un jeu de circonstances m'a mis en contact avec Aubusson. On m'a demandé d'apporter un esprit neuf, expressif de l'esprit d'époque. Ainsi ai je établi les carton de plus de trente tapisseries qui, sous l'impulsion de Pierre Baudouin, sont tissées à Aubusson.
Le fond de ma recherche a son secret dans la pratique ininterrompue des arts plastiques désintéressés. C'est là qu'il faut trouver la source de ma liberté d'esprit et de mes possibilités d'évolution. Tapisseries, dessins, tableaux, sculptures, livres, maisons et plans de villes, ne sont, en ce qui me concerne personnellement, qu'une seule et même manifestation d'une harmonie stimulante au sein d'une nouvelle société machiniste.
English
I was delighted one day to have the opportunity to tackle the problem of Tapestry. My pictorial research "Glasses and Bottles" from 1918 to 1928 forms a first cycle of ten years of rigorous discipline: a search for a plastic expression connected to the spirit of the time. I had been an architect before 1914. So, these studies opened the door to architecture, which found a new expression: aesthetic and plastic. Examples: the Villa La Roche, the Cook House, the Villa of Garches, etc.
Around 1935, Marie Cuttoli approached great artists to create designs for small tapestries, the production of which in Aubusson marked the revival of this almost abandoned industry. It was then that she commissioned my first tapestry.
In 1948, Pierre Baudouin, a former drawing teacher in Aubusson, asked me to paint designs for tapestries. He, amidst adversity and countless difficulties, managed to animate the weavers in Aubusson.
From that moment, a principle was established: the tapestry should never serve as a cover for a chest of drawers or a sideboard, neither in size nor in situation. It is not a painting, large or small. The tapestry should be at eye level. It can (and perhaps should) touch the ground. Its height is therefore crucial: 220 cm, 290 cm, or 360 cm (the dimensions of the Modulor, reduced by 5 to 6 cm, 226-296-366, etc.). Thus, they will become a useful element in the composition of modern architecture, not merely a decoration.
The destiny of today's tapestry is clear: it becomes the "Mural" of modern times. We have become "nomads" living in apartments in buildings equipped with shared services; we will change apartments according to the evolution of our families: successive increases or decreases; we will sometimes change our condition, our neighborhood, etc. Interest in the Arts has become a widespread and new phenomenon (books, prints, photographs, projection devices, etc.). We cannot have a mural painted on the walls of our apartment. However, this wool wall, which is the tapestry, can be detached from the wall, rolled up, carried under the arm at will, and hung elsewhere. This is how I named my tapestries "Muralnomad."
Tapestries at home respond to a legitimate poetic desire. Through its texture, its material, through the sensitivity of its craftsmanship, the tapestry introduces a true radiance into the apartment: colors, lines, and occasionally, evocation.
All the possibilities of pictorial art are accessible to it; it can take an eminent place in contemporary life and, by that, receive considerable momentum.
Moreover, the wool wall can, in some cases, fulfill a crucial acoustic function. In Kashmir, I had 650 square meters woven for the courtroom of the Chandigarh Palace of Justice in India. A beautiful opportunity to harmonize the reinforced concrete architect (a sound material) with the wool artisan (a sound-absorbing substance).
In Tokyo, Sakakura, a former architect of Atelier 35 rue de Sèvres, installed in the great hall of his new theater, a 210 square meter tapestry for which he had asked me to create the design.
It is in the practice of the plastic arts (a phenomenon of pure creation) that I found the intellectual essence of my urbanism and architecture. A series of circumstances brought me into contact with Aubusson. I was asked to bring a fresh spirit, expressive of the spirit of the time. Thus, I created designs for over thirty tapestries that, under the impetus of Pierre Baudouin, are woven in Aubusson.
The foundation of my research lies in the continuous practice of selfless plastic arts. It is there that one must find the source of my freedom of spirit and my capacity for evolution. Tapestries, drawings, paintings, sculptures, books, houses, and city plans are, for me personally, just one and the same manifestation of stimulating harmony within a new mechanized society.
Português
Fiquei encantado, um dia, de ter que abordar o problema da Tapeçaria. Minhas pesquisas pictóricas « Vidros e garrafas » de 1918 a 1928 formam um primeiro ciclo de dez anos de uma disciplina de ferro: a busca de uma expressão plástica ligada ao espírito da época. Eu tinha sido arquiteto antes de 1914. Então, essas pesquisas abriram a porta para a arquitetura, que encontrou uma nova expressão: estética e plástica. Testemunhas: a vila La Roche, a casa Cook, a vila de Garches, etc...
Por volta de 1935, Marie Cuttoli se dirigiu a grandes artistas para criar desenhos de tapeçarias (pequenas), cuja realização em Aubusson marcou o renascimento desta indústria quase abandonada. Foi então que ela me encomendou minha primeira tapeçaria.
Em 1948, Pierre Baudouin, antigo professor de desenho em Aubusson, pediu-me para pintar desenhos de tapeçaria; ele, por sua vez, em meio a adversidades e dificuldades sem fim, conseguiu animar os tecelões em Aubusson.
Desde então, foi uma decisão de princípio: a tapeçaria nunca deve servir como cobertura de cômoda ou buffet de serviço, nem em dimensão, nem em situação. Ela não é um quadro, grande ou pequeno. A tapeçaria deve se apresentar ao olhar à altura dos olhos. Ela pode (e talvez deva) tocar o chão. Sua altura é, portanto, determinante: 220 cm ou 290, ou 360 (dimensões do Modulor, diminuídas de 5 a 6 cm, 226-296-366 etc.). Assim, elas entrarão como um elemento útil na composição da arquitetura moderna e não como um mero decorativo.
O destino da tapeçaria de hoje aparece: ela se torna o « Mural » dos tempos modernos. Nos tornamos « nômades » habitando apartamentos em casas que serão equipadas com serviços comuns; mudaremos de apartamentos conforme a evolução de nossas famílias: aumentos ou diminuições sucessivas; mudaremos de condição às vezes, de bairro também, etc... O interesse pelas Artes tornou-se um evento muito difundido, novo (livros, gravuras, fotografias, aparelhos de projeção luminosa etc...). Não podemos pintar um mural nas paredes de nosso apartamento. Por outro lado, esse muro de lã que é a tapeçaria pode ser despendurado da parede, enrolado, levado sob o braço à vontade, ir e se pendurar em outro lugar. Foi assim que batizei minhas tapeçarias « Muralnomad ».
As tapeçarias em casa respondem a um legítimo desejo poético. Por sua textura, seu material, pela sensibilidade de sua confecção, a tapeçaria introduz um verdadeiro brilho no apartamento: cores, linhas e, ocasionalmente, evocação.
Todas as possibilidades da arte pictórica lhe são acessíveis; ela pode ocupar um lugar eminente na vida atual e, assim, receber um impulso considerável.
Além disso, o muro de lã pode, em certos casos, cumprir uma missão acústica capital. Na Caxemira, mandei tecer 650 m², destinados às salas de tribunal do Palácio da Justiça de Chandigarh, na Índia. Bela ocasião para harmonizar o arquiteto do concreto armado (material sonoro) com o artesão da lã (substância absorvente de sons).
Em Tóquio, Sakakura, um antigo arquiteto do Atelier 35 rue de Sèvres, instalou na grande sala de seu novo teatro, uma tapeçaria de 210 m², cujo desenho me pediu.
É na prática das artes plásticas (fenômeno de criação pura) que encontrei a seiva intelectual de meu urbanismo e de minha arquitetura. Um jogo de circunstâncias me colocou em contato com Aubusson. Pediram-me para trazer um espírito novo, expressivo do espírito da época. Assim, estabeleci os desenhos de mais de trinta tapeçarias que, sob a influência de Pierre Baudouin, são tecidas em Aubusson.
O fundo de minha pesquisa tem seu segredo na prática ininterrupta das artes plásticas desinteressadas. É aí que se deve encontrar a fonte de minha liberdade de espírito e de minhas possibilidades de evolução. Tapeçarias, desenhos, quadros, esculturas, livros, casas e planos de cidades, não são, no que me diz respeito pessoalmente, senão uma única e mesma manifestação de uma harmonia estimulante no seio de uma nova sociedade maquinista.